Chronique d’une dissolution manquée.

Cette première bataille contre la dissolution de notre groupe aura duré deux mois, et même si cette victoire nous donne de la force, rien n’est encore certain, le combat n’est pas fini.

Petit retour sur les évènements :

17 mars : Une notification de dissolution était remise à des membres supposé-e-s de la GALE, à la suite de deux jours de véritable harcèlement policier au domicile, sur le lieu de travail, au téléphone, comme dans la rue.
31 mars : La dissolution est actée par le dernier conseil des ministres avant les élections présidentielles. Nous l’apprenons alors via la presse…

1er avril : La notification définitive de dissolution est adressée à un membre supposé du groupe et a notamment pour conséquence la restriction des libertés individuelles des membres supposé-e-s de la GALE dont l’interdiction d’apparaitre dans des manifestations ou des évènements politiques et l’interdiction totale d’utiliser les réseaux sociaux du groupe, ou tout matériel militant tels que les affiches, stickers, tracts, drapeaux…

Face à cet acharnement forcené du ministère, et sachant la bataille que d’autres groupes récemment dissous, comme le Collectif Palestine Vaincra, menaient de leur côté pour contrer les décisions liberticides du gouvernement, nous avons décidé de commencer un combat judiciaire. Avec l’aide de nos avocat-e-s, nous avons donc déposé un référé liberté au conseil d’état, avec un dossier visant à démonter pas à pas l’argumentaire complètement lunaire utilisé par le ministère pour nous incriminer.

14 avril : Première petite victoire : notre dossier est accepté et on nous donne rendez-vous à Paris le 11 mai devant le conseil d’état. Face à nous, pour représenter le ministère de l’intérieur, la directrice des libertés publiques et des affaires juridiques, Madame Pascale Léglise.

11 mai : Nous sommes accompagné-e-s par nos avocat-e-s pour l’audience devant le conseil d’Etat. Deux heures de débats s’enclenchent pour tenter de défendre le peu de libertés publiques nous concernant.
Les arguments sont à peu près aussi sérieux que l’était notre notification de dissolution… Pour résumer, le principal reproche que le gouvernement et l’intérieur ont à nous faire est d’être d’extrême-gauche… Nous assistons à un débat lunaire où on nous reproche notamment de stigmatiser les nazis (pas facile… les pauvres ont toujours le mauvais rôle et le ministère aimerait nous voir leur donner une seconde chance… Tout ça se passe de commentaire). Nous avons encore dû expliquer notre utilisation du slogan historique « Tous les flics sont des bâtards », après avoir été relaxé-e-s en début d’année pour l’outrage du tag ACAB en hommage à Carlos Giuliani. Là, c’est sous les dorures de la salle du conseil que notre avocat au conseil fera une analyse sémantique du slogan en expliquant par A + B l’évidence même : tous les flics sont bel et bien des bâtards.

16 mai : La décision tombe, le conseil d’état décide de suspendre la décision du conseil des ministres de dissoudre notre groupe. C’est une énorme victoire pour nous mais aussi plus largement pour notre camp politique après la suspension de dissolution des groupes Palestine Vaincra et Comité Action Palestine.

Nous savons bien sûr que nous n’avons là gagné qu’une bataille, que cette décision n’a rien de définitif puisqu’elle ne fait que suspendre la dissolution du Groupe Antifasciste Lyon et Environs jusqu’au débat final qui aura lieu d’ici un an.

Une procédure de fond va bientôt être déposée par nos avocat-e-s afin d’obtenir l’annulation du décret. Nous sommes donc de retour mais avec au-dessus de nos têtes l’épée de Damoclès d’une répression qui essaye de nous ralentir, qui espère nous voir disparaitre.

Manifestation contre notre dissolution le 26 mars 2022

Nous avons encore trois procès en attente.

Un premier pour dégradation en réunion, outrage et suspicion d’avoir muré le local du Bastion Social Lyon en 2018. Un second pour violence dans le cadre d’une attaque armée du Bastion Social contre cinq militant-e-s antifascistes à la sortie d’un concert en 2018. Et un dernier en appel pour demander la relaxe totale concernant l’affaire du graff ACAB en hommage à Carlo Giuliani (pour rappel nous avons été relaxé-e-s sur l’outrage mais pas sur les dégradations). Quoi qu’il en soit ne nous méprenons pas : la justice n’est et ne sera jamais dans notre camp. Le combat juridique doit être mené afin d’utiliser les failles d’un monde qui tente d’être légitime et d’ainsi ralentir la répression brutale sur nos corps. Si nous avons gagné ce n’est pas parce que le droit est avec nous, mais parce que nous avons depuis ces derniers temps su imposer un rapport de force. Celui-ci oblige la justice à nous considérer avec sérieux et ne pas détruire le peu d’illusion de liberté qu’il reste à ce monde pour se maintenir.

Pour aller plus loin…

Nous avons une nouvelle fois été extrêmement reconnaissant-e-s du soutien indéfectible et massif qui a accompagné cette période difficile. Nous souhaitons remercier tous les collectifs et individus qui se sont impliqués dans cette affaire en la publicisant, en participant à notre dernière manifestation ainsi qu’en apportant du soutien moral, humain et financier. Ce soutien doit être pris comme preuve, pour nous comme pour ceux qui souhaitent nous voir dissou-te-s, que seule la lutte paie et que notre camp politique ne se laissera pas intimider et plier par des décisions officielles aberrantes, liberticides et caduques.

Nous n’aurons de cesse que de continuer nos combats contre l’extrême droite, ses alliés et ses avatars. Nous nous opposerons aux fascistes parlementaires autant qu’aux nazillons qui humilient, tabassent et tuent dans nos rues. Nous nous opposerons au gouvernement et à sa police tant qu’il le faudra, tant que nos droits sociaux seront dégradés, nos libertés bafouées, tant que les gouffres d’inégalités qui constituent notre société seront insupportables, tant que les polices mèneront des traques de migrant-e-s à nos frontières, tant que la justice sociale ne sera pas effective.

La période politique dans laquelle nous rentrons est cruciale. La mascarade électorale nous a démontré une société fragmenté en blocs : l’ultralibéralisme, le fascisme, la social-démocratie et l’abstentionnisme. Nous dénonçons ce jeu illusoire qui tend à s’auto-alimenter, mais notre discours n’est pas moral : que vous ayez voté ou non là n’est pas la question. Ce qui est sûr c’est que nous ne serons jamais sauvé-e-s par de quelconques politiques. La structure des monstres que nous devons combattre est bien trop vaste et nébuleuse pour penser que la gauche au pouvoir pourrait l’abattre. D’un autre côté les forces fascistes progressent partout et la répression d’Etat devient chaque jour plus violente face aux individus qui résistent concrètement à la destruction de nos vies.

C’est pour ces raisons que nous pensons qu’il faut prendre acte de cette réalité et faire face offensivement à nos ennemis. Nous devons prendre le temps de construire notre camp révolutionnaire. Développer de nouvelles stratégies de luttes et penser concrètement un front commun antifasciste, intransigeant et autonome. Faisons sécession avec le passé, inventons de nouvelles formes d’organisation et imaginons ensemble des résistances joyeuses et combattives.

Prenons le temps de nous ré-imaginer et d’affirmer un rapport de force à la hauteur de notre époque.

A jamais antifascistes !

La GALE

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